Édito
HAUSSE DE L'ÂGE DE LA RETRAITE : AU TOUR DES TRAVAILLEURS FRANÇAIS ?
En 2023, le gouvernement français envisage de repousser l’âge légal du départ à la retraite à 64 ans, malgré l’opposition farouche de la population. La raison d’être d’une telle réforme ? « Pérenniser le financement du système actuel », annoncé déficitaire dans les années à venir. Mais derrière le but officiellement exprimé par les autorités se cache une tout autre finalité : perpétrer une nouvelle agression néolibérale afin de satisfaire les intérêts du capital. La méthode employée n’est pas sans rappeler celle mise en œuvre il y a quelques mois par les élites suisses à l’occasion de la réforme « AVS21 ».

La lutte des classes est bien vive et, partout dans le monde, elle est rondement menée par la bourgeoisie. À ceux qui s’efforceraient encore de nier cette vérité, on rétorquera que chaque nouvelle réforme des retraites constitue au contraire une illustration probante de sa volonté féroce d’asseoir sa domination. Dans nos contrées, par exemple, c’est tout récemment que l’offensive bourgeoise sur les pensions a fait mouche. Ainsi, en septembre dernier, la majorité du peuple et des cantons acceptait de justesse le projet « AVS21 »1Le contenu de la novelle et les résultats de la votation sont consultables ici : https://www.bsv.admin.ch/bsv/fr/home/assurances-sociales/ahv/reformes-et-revisions/ahv-21.html., dont la mesure-phare consistait en un relèvement d’une année de l’âge légal de retraite des femmes, désormais fixé à 65 ans, cumulée à une hausse de la TVA. Nos voisins français, quant à eux, semblent promis à un destin semblable : en effet, alors que le président Emmanuel Macron avait déjà annoncé la couleur, rappelant à plusieurs reprises que 2023 serait l’année d’adoption d’une nouvelle réforme en la matière, la première ministre Elisabeth Borne en dévoilait récemment le contenu2Pour un aperçu du projet : https://www.gouvernement.fr/actualite/projet-pour-lavenir-du-systeme-de-retraites-ce-quil-faut-retenir. : fin de carrière professionnelle portée à 64 ans d’ici 2030, durée de cotisation à 43 ans dès 2027 et unification du système par suppression des régimes spéciaux composent ainsi la feuille de route gouvernementale.
À la rescousse du système
Dans ces deux réformes frappe d’entrée la similitude des arguments mobilisés par les dirigeants des deux pays pour les justifier. À commencer par l’identité de leur postulat initial : face au vieillissement démographique, les « prophètes » bourgeois s’improvisent Cassandre des temps modernes et annoncent en chœur la faillite3Voir notamment le communiqué du patronat suisse : https://www.economiesuisse.ch/fr/articles/oui-avs-21-une-large-alliance-sengage-pour-un-avenir-sur-et-durable-pour-toutes-et-tous ; ou les déclarations de Gabriel Attal, Ministre français de l’Action et des Comptes publics : https://www.bfmtv.com/politique/parlement/gabriel-attal-sur-les-retraites-c-est-une-reforme-ou-la-faillite_VN-202302060527.html. du régime de retraite par répartition, dont le financement serait, à terme, menacé par d’importants déficits. À l’appui de ces sombres prédictions est alléguée l’objectivité des données statistiques4Les résumé et rapport de l’Office fédéral des assurances-sociales (OFAS), autorité compétente à ce sujet, sont respectivement consultables ici : https://www.bsv.admin.ch/bsv/fr/home/publications-et-services/medieninformationen/nsb-anzeigeseite-unter-aktuell.msg-id-84910.html et https://www.bsv.admin.ch/dam/bsv/fr/dokumente/ahv/finanzperspektiven/finanzperspektiven-ahv-bis-2031.pdf.download.pdf/Perspectives%20financières%20de%20l’AVS%20jusqu’en%202032.pdf. Le rapport 2022 du Conseil d’orientation des retraites français (COR), rattaché aux services du Premier Ministre, est disponible sur : https://www.cor-retraites.fr/node/595 et https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2023-02/RA_COR2022_def.pdf., fournies par des organes étatiques compétents en la matière, des estimations « incontestables » qui confirmeraient le déséquilibre budgétaire à venir.
À ce stade pourtant l’honnêteté, qui n’a jamais été la vertu première des élites capitalistes, commanderait sans doute de relativiser l’interprétation alarmiste des chiffres invoqués. Car trop occupés à agiter l’épouvantail de l’instabilité financière future, nos gouvernants se gardent bien de mentionner qu’en ce qui concerne la situation présente, les comptes de l’AVS suisse et du système de retraite français se sont encore récemment révélés excédentaires, contredisant au passage certaines projections pessimistes qui avaient été réalisées par le passé5En 2021, l’excédent de répartition s’est élevé à 880 millions de francs et le bénéfice sur les placements à 1’703 millions. Les comptes de l’AVS se sont donc soldés par un bénéfice de 2’583 millions de francs. Chiffres disponibles ici : https://www.bsv.admin.ch/bsv/fr/home/assurances-sociales/ahv/finanzen-ahv.html et https://www.bsv.admin.ch/dam/bsv/fr/dokumente/ahv/finanzperspektiven/jahresbericht-ahv-2020.pdf.download.pdf/rapport-annuel-2021.pdf. En 2021 le système de retraite français apparaît globalement en excédent de 900 millions d’euros et de 3,2 milliards d’euros en 2022. Données consultables ici : https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2023-02/RA_COR2022_def.pdf et https://basta.media/Reforme-des-retraites-les-huit-arguments-fallacieux-du-gouvernement-pour-reculer-l-age-de-depart. Pour un exemple d’approximations, cf. pour la Suisse https://www.letemps.ch/suisse/jai-craintes-projet-dalain-berset ; ou encore https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/22939.pdf, https://biblio.parlament.ch/e-docs/341599.pdf, projection contredite par les résultats de 2020 https://www.bsv.admin.ch/dam/bsv/fr/dokumente/ahv/statistiken/ahv-stat-2020.pdf.download.pdf/Statistique%20de%20l‘AVS%202020.pdf.Et pour la France : https://www.alternatives-economiques.fr/christophe-ramaux/retraites-10-arguments-degonfler-baudruche-deficits/00105892. Le COR lui-même confirme que « les résultats de ce rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite ». En d’autres termes, le système n’est pas en danger de faillite ; c’est plutôt du côté des recettes, largement érodées par les réformes bourgeoises successives, que des déséquilibres existent.. On saisit aisément la raison de pareil escamotage : admettre la fiabilité relative de ces estimations6Le caractère discutable des hypothèses sur lesquelles doit s’appuyer le COR est d’ailleurs largement commenté par les économistes : https://linsoumission.fr/2022/12/16/macron-retraites-injuste-inutile/ ; https://www.alternatives-economiques.fr/christophe-ramaux/retraites-10-arguments-degonfler-baudruche-deficits/00105892 ; https://www.humanite.fr/social-eco/reforme-des-retraites/le-deficit-du-systeme-de-retraite-t-il-ete-artificiellement-gonfle-par-bercy-780236 ; https://blogs.mediapart.fr/henri-sterdyniak/blog/130922/notes-sur-le-rapport-du-cor-de-septembre-2022., qui demeurent tributaires de facteurs hautement imprévisibles tels que l’évolution de l’espérance de vie, de la conjoncture économique et des décisions politiques, c’est donner le bâton pour se faire battre. Pourquoi donc réformer si preuve est faite de l’absence de tout motif à le faire ? Désaveu massif de la propagande bourgeoise qui verrait là son principal argument s’effondrer. Non décidément, la droite et le patronat ne peuvent s’y résoudre. Pas question de renoncer à ce cheval de bataille, fort accommodant pour légitimer l’adoption d’une réforme idéologiquement indispensable à leurs intérêts.
De ces « détails » gênants donc, la classe dirigeante, vigoureusement soutenue par ses chiens de garde médiatiques, n’en a cure ; il lui faut tenir cette ligne stratégique coûte que coûte. Exit alors la vérité ; all-in sur l’apparence, car pour « gagner l’opinion » seule celle-ci compte. Le ton grave et la larme à l’œil, l’oligarchie s’entête dans ces délires, répétant ad nauseam combien il est impératif de réformer pour sauver nos pensions. Aux regards complaisants que lui jettent les pseudo-journalistes qui l’interrogent quotidiennement, on pressent tout de suite que son constat mystificateur vaudra bientôt parole d’évangile. Et l’intuition est bonne car l’analyse fait très vite la une de la grande presse, la panique s’instille dans la population. Il est vrai que, de son côté, le travailleur lambda commence gentiment à s’inquiéter de ces rumeurs : une menace existentielle qui plane supposément sur sa pension ? Il voudrait bien être rassuré. Fort heureusement pour lui, et pour nous, la bourgeoisie sait précisément quoi faire devant ce type d’« urgences » non-urgentes. Pour elle, la responsabilité politique commande d’agir vite et à la mesure de l’enjeu (sauf en matière écologique bien sûr !). Les « gauchistes » – ces dangereux utopistes extrémistes – peuvent bien fuir le problème, la classe dirigeante, elle, sait y faire. La gestion, ça la connait. La caste « élue » a recueilli la parole « divine » et l’a interprétée avec toute la rigueur et le sérieux qu’on lui connait, elle peut maintenant prêcher sa solution. Roulement de tambour et suspens insoutenable avant le rendu du verdict. Puis, soudain, le couperet tombe : il faudra désormais travailler plus longtemps pour cotiser davantage et ainsi éviter le péril (fantasmé). Simple, efficace. La logique capitaliste en somme.
Pourtant d’aucuns se questionnent sur la pertinence de la proposition. « Ne s’agirait-il pas de la même solution que votre camp politique prônait il y a quelques années, dix ans plus tôt, et même deux décennies auparavant ? » ose même une minorité de vrais journalistes, un peu zélés. La bourgeoisie, désarçonnée par tant d’insolence, préfère botter en touche. C’est qu’elle est attachée à ce « sauver les retraites en travaillant plus », élément de langage aux allures de refrain, qu’elle chante en boucle depuis 40 ans7Sur le prétendu déficit de l’AVS : https://www.letemps.ch/suisse/jai-craintes-projet-dalain-berset. Plus généralement, sur le fameux mythe du « trou de la Sécu », cf. l’analyse de l’économiste Nicolas Da Silva extraite de son nouveau livre « La Bataille de la Sécu. Une histoire du système de santé », éditions La Fabrique, 2022 : https://www.youtube.com/watch?v=KQHkceAYPj0 ; https://www.alternatives-economiques.fr/nicolas-da-silva/secu-outragee-secu-martyrisee-secu-pleine-sante/00104395 et https://www.alternatives-economiques.fr/securite-sociale-bord-gouffre-creation/00100672#:~:text=Depuis%20ses%20origines%2C%20la%20Sécurité,des%20besoins%20de%20la%20population.&text=L’arrivée%20de%20l’automne,financement%20de%20la%20Sécurité%20sociale. Pour un peu d’humour cf. aussi https://www.youtube.com/watch?v=UCMIEXe_Tbg .. Et puis après tout, ne dit-on pas que c’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes ? Pour notre travailleur lambda, à la santé déjà fragile et épuisé par une longue carrière professionnelle, c’est plutôt la soupe à la grimace … Il veut certes qu’on sauve sa retraite, mais pour en profiter faudrait-il encore qu’il y parvienne vivant. « À coup sûr avec la médecine moderne ! » nous assure l’élite capitaliste qui demeure formelle : après analyse du champ des possibles – consistant en un raisonnement intellectuel impressionnant du style « on ne peut rogner directement sur les pensions, rognons sur les années de repos » – il n’y a pas d’autres moyens pour parer à la catastrophe. Et d’enchainer en invitant ses opposants à mettre de côté les divergences partisanes et à faire preuve de lucidité devant la gravité du danger qui guette.
Du matraquage social
Ah la lucidité ! C’est bien à elle qu’il faut recourir pour réfuter les sophismes que les capitalistes s’efforcent de rabâcher en soutien de leur proposition. Car les faits sont têtus et, en dépit des mensonges grotesques8Notamment par le Ministre du travail français Olivier Dussopt : https://charliehebdo.fr/2023/03/economie/retraite-a-1-200-euros-qui-pourra-mentir-plus-quolivier-dussopt/.blatérés sans vergogne par les partis bourgeois, l’allongement de la durée du travail se révèle en tout point injustifiée. Et sur le plan économique au premier chef. En effet, quand bien même la survenance de légers déficits serait acquise, on rappellera à nos amis libéraux qu’améliorer la santé financière des caisses de retraite – en l’occurrence augmenter leurs recettes – peut s’opérer en bien des manières, suffit-il seulement de le vouloir. À l’heure des bénéfices records des multinationales en même temps que de la précarisation grandissante des masses, refuser de taxer ces superprofits ou ceux de leurs nantis propriétaires9Depuis 2020, les 1 % les plus riches ont capté près des deux tiers de toutes les nouvelles richesses, soit près de deux fois plus que les 99 % les plus pauvres de la population mondiale. 2022 est également synonyme de record avec pas moins de 1560 milliards de dollars de dividendes reversés aux actionnaires à travers le monde : https://www.liberation.fr/economie/nouveaux-records-pour-les-dividendes-verses-aux-actionnaires-dans-le-monde-en-2022-20230301_PF7WZVMYZJCSBHCZ6BQ7SROJDY/. En France, depuis début 2020, les milliardaires se sont enrichis de plus de 200 milliards d’euros : https://www.oxfamfrance.org/inegalites-et-justice-fiscale/reforme-retraites-injuste/. En Suisse, la fortune additionnée des 300 personnalités les plus riches du pays a augmenté de 115 milliards de francs en 2021 : https://www.letemps.ch/economie/300-suisses-plus-riches-enrichis-115-milliards-2021. Or cela tombe bien, même les hyper-riches paraissent gênés par l’indécente accumulation dont ils bénéficient, a fortiori quand cette richesse s’accroit par temps de guerre, pandémie ou crise énergétique. Mais ne nous y trompons pas : cette sollicitude de la part de millionnaires masque surtout une inquiétude à l’égard de la colère qui gronde de plus en plus dans la rue et qui tend à questionner leur utilité au sein de la société. Dans ce contexte, autant payer davantage pour éviter toute révolte : https://www.letemps.ch/suisse/wef-millionnaires-reclament-payer-plus-dimpots ou encore https://www.liberation.fr/economie/economie-numerique/davos-200-millionnaires-veulent-payer-plus-dimpots-et-sattaquer-a-lextreme-richesse-20230118_57RPKPXS6RDF5OFWCBY7FS4PPQ/.– richesses entièrement produites par les salariés – relève de la pure obscénité capitaliste. Obscénité qui vire bientôt à la maltraitance sociale quand cet entêtement a pour corollaire de prolonger la mise au travail forcé des travailleurs. Et pourquoi donc ne pas envisager une hausse des salaires10En Suisse, les femmes gagnent actuellement en moyenne 18% de moins que les hommes. 52,2% de cette différence s’expliquent par des facteurs dits « objectifs » tels que la position professionnelle, l’ancienneté ou le niveau de formation, toutefois largement sous-tendus par des inégalités sexospécifiques (accès à la formation, à certaines carrières professionnelles mieux rémunérées etc.). 47,8% de l’écart de salaire, soit 8,6%, ne s’expliquent pas et recouvrent une potentielle discrimination salariale. Un « coût » pour l’AVS estimé à 825 millions de francs (qui se base sur un part d’écart de salaire inexpliqué un peu moindre, en l’occurrence celle de 2016 à 7,7%). Cf. en particulier les chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS) sur ce point : https://www.ebg.admin.ch/ebg/fr/home/themes/travail/egalite-salariale/bases.html ; https://www.rts.ch/info/economie/13565289-la-discrimination-salariale-subie-par-les-femmes-a-augmente-en-suisse.html ; https://lecourrier.ch/2022/08/08/discrimination-salariale/ ; https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwiIzerDoJL9AhXdhv0HHSdAAjQQFnoECBAQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.bfs.admin.ch%2Fbfsstatic%2Fdam%2Fassets%2F17604125%2Fmaster&usg=AOvVaw28-u4HKvmPtrP00ig44onM et https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwiIzerDoJL9AhXdhv0HHSdAAjQQFnoECBAQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.bfs.admin.ch%2Fbfsstatic%2Fdam%2Fassets%2F17604125%2Fmaster&usg=AOvVaw28-u4HKvmPtrP00ig44onM. En France, les salaires des femmes dans le secteur privé sont en moyenne inférieurs de 28,5 % à ceux des hommes tous temps de travail confondus. Si on retire l’effet du temps partiel (-11,7 points), l’écart pour un temps de travail équivalent est de 16,8 %. En moyenne, les femmes et les hommes n’exercent pas dans les mêmes secteurs ni au même niveau hiérarchique. Les professions où les femmes sont majoritaires sont en moyenne moins bien rémunérées. Si on retire l’effet de la profession exercée (-11,5 points), l’écart de salaire inexpliqué est de 5,3 %. Cf. sur ce point : https://www.inegalites.fr/femmes-hommes-salaires-inegalites et https://basta.media/Egalite-salariale-pour-les-femmes-metiers-penibles-cotisations-les-propositions-alternatives-pour-les-retraites qui se basent sur les donnée de l’INSEE. Voir aussi : https://france.attac.org/IMG/pdf/retraites_saison_2022.pdf., en particulier ceux des femmes encore largement discriminées malgré la sempiternelle promesse d’égalité ; une revalorisation qui augmenterait mécaniquement le volume des cotisations sociales ? Quid d’une augmentation du taux de cotisation (principalement sa part patronale)11Une voie déjà empruntée en Suisse en 2019 et qui, cumulée à une hausse des salaires, aurait peu de conséquences sur le pouvoir d’achat des travailleurs : https://www.rts.ch/info/suisse/13365933-alain-berset-et-pierreyves-maillard-faceaface-socialiste-sur-avs21.html. Comme le démontre l’économiste français Michael Zemmour, spécialiste des systèmes d’assurances sociales, une hausse des cotisations sociales (patronales et/ou salariales) de l’ordre de 0,8 point suffirait à atteindre l’équilibre en 2027. Explication disponible ici : https://www.youtube.com/watch?v=Mb9x5CkxgSU&t=154s et https://www.humanite.fr/social-eco/cotisations-sociales/retraites-le-grand-retour-des-cotisations-sociales-780864. Or l’évocation de telles pistes provoque l’ire du patronat qui ne veut pas mettre le doigt dans cet engrenage !qui, même légère, suffirait pour garantir la soutenabilité du régime de retraite ? Trois possibilités parmi tant d’autres, certainement plus justes, mais que se refuse tout bonnement à considérer le patronat, pour qui l’augmentation du taux de profit est une drogue dure, et sa limitation un sevrage intolérable. Une addiction qui le pousse alors à recourir à ses arguments-totems, en quoi il faut plutôt voir un gigantesque chantage à l’emploi : mises en œuvre, ces propositions « nuiraient à la compétitivité des entreprises en augmentant le coût du travail », « feraient fuir les investisseurs » et « provoqueraient des licenciements massifs ». Menaces à peine voilées. Mieux vaut donc être sage et se décharger sur les travailleurs – par le truchement du rapport salarial évidemment, méthode maintes fois éprouvée au cours de l’histoire.
Sentant bien que l’explication peine à convaincre, la classe dirigeante, acculée et dans un état de décrépitude argumentative avancé, sort parfois désespérément un autre joker : le relèvement de l’âge de la retraite et de la durée de cotisation permettrait de réaliser des économies pour débloquer des ressources financières en faveur d’autres politiques publiques. Justification pour le moins originale dès lors que ces économies – comprenez : amputations obtenues moyennant la dégradation des conditions d’accès à des pensions complètes – ces « économies » donc, n’en seront en pas vraiment, puisqu’avec l’allongement de la durée du travail, les dépenses ici épargnées seront pour l’essentiel transférées à d’autres branches de la protection sociale, telles que l’assurance-chômage ou l’assurance-maladie12Avertissement figurant dans le rapport du COR et résumé ici par la journaliste de Blast, Salomé Saqué (à 16m40s) : https://www.youtube.com/watch?v=S4nRrLO-1Jw.. Énième bouffonnade, surtout, quand on sait que la classe dirigeante cherche en vérité à diminuer les dépenses publiques13Un argument surtout utilisé par la bourgeoisie française, qui souhaite officieusement répondre aux attentes de Bruxelles en matière budgétaire, en repassant notamment sous la barre des 3% de déficit annuel : https://www.publicsenat.fr/article/politique/la-reforme-des-retraites-est-elle-imposee-a-la-france-par-l-europe-235674 ; https://www.liberation.fr/checknews/le-gouvernement-a-t-il-explique-que-la-reforme-des-retraites-permettra-de-baisser-les-impots-des-entreprises-20230120_NXFITZVDARFYDDAWF5N5SOHWFM/ ; https://www.youtube.com/watch?v=_JUCEk4OehM ; https://france.attac.org/se-mobiliser/retraites-pour-le-droit-a-une-retraite-digne-et-heureuse/article/derriere-la-reforme-des-retraites-au-rabais.plutôt qu’à financer la santé, l’éducation et la transition écologique. Car voyez-vous, à force de réaliser des investissements inutiles et d’accorder des privilèges choquants aux entreprises et individus qui n’en ont pas besoin14Cadeaux aux plus riches du type RFFA qui, sous couvert de mettre fin à la différence de traitement fiscal entre les sociétés suisses et les firmes étrangères, a en vérité permis d’affaiblir l’imposition du bénéfice des entreprises, avec à la clé des pertes de ressources importantes pour les collectivités publiques et des coupes budgétaires dans les prestations publiques. Une réforme dont le volet fiscal a été frauduleusement lié à une « contrepartie » sociale qui n’avait rien à voir, à savoir une hausse des cotisations sociales laquelle devait au demeurant pérenniser le financement de l’AVS et, d’après certains socialistes crédules, empêcher tout report de l’âge de retraite…https://lecourrier.ch/2019/05/07/rffa-un-projet-cynique-et-sans-durabilite/ ; https://lecourrier.ch/2019/05/07/la-rrfa-deja-caduque/. 157 milliards d’euros, telle est la somme déboursée chaque année en subventions, crédits d’impôts et exonérations de cotisations au profit des entreprises privées, soit 30% du budget de l’Etat en 2021 et deux fois celui de l’Éducation nationale : https://www.frustrationmagazine.fr/retraites-guerre-sociale/ ; https://www.frustrationmagazine.fr/subvention-capitalisme/ ; https://www.contretemps.eu/retraites-monter-en-puissance-pour-faire-ceder-macron/ ; https://www.lefigaro.fr/impots/les-impots-de-production-alleges-des-2023-20220706 ; https://blogs.alternatives-economiques.fr/laine/2023/01/17/quelques-arguments-de-fond-dans-le-debat-sur-la-reforme-des-retraites. De même, une hausse de 100 milliards d’euros destinée au budget de l’armée a été annoncée récemment. Un investissement considérable, mais apparemment indolore comparé aux 12 milliards d’euros indispensablement requis pour « sauver » le système de retraites : https://www.revolutionpermanente.fr/100-milliards-de-plus-pour-la-defense-Macron-donne-a-l-armee-l-argent-qu-il-vole-sur-les-retraites., nos gouvernants se sont fait une spécialité dans le gaspillage en règle des ressources étatiques, détériorant par là même la qualité des services publics et creusant simultanément la dette15À propos de la responsabilité des gouvernements bourgeois et des marchés financiers dans l’aggravation du déficit et l’endettement qui en résulte : https://france.attac.org/nos-publications/livres/livres/le-piege-de-la-dette-publique et https://france.attac.org/nos-publications/petites-fiches/article/mieux-comprendre-la-dette-publique.! Une leçon d’autodestruction savamment orchestrée pour mieux jeter en pâture à la marchandisation et à la privatisation des pans entiers de l’économie et de l’Etat social. Notez donc l’ironie : après avoir asséché les sources de financement public par des mesures d’austérité aberrantes et des faveurs aux plus riches, voilà que les fossoyeurs s’improvisent médecins, les pyromanes se muent pompiers ; voilà que les économies faites sur le dos des travailleurs devraient servir à éponger l’ardoise que le gavage d’actionnaires a laissée. Non, définitivement, en ce qui concerne la gestion des comptes publics, on se passera volontiers de l’« expertise» bourgeoise.
Indignée par tant de virulence critique, l’élite gouvernementale feint alors de ne pas bien comprendre : de quoi les opposants se plaignent-ils ? Les mesures se placent pourtant sous le signe du progrès social. Un seul et unique régime de retraite sans tenir compte du sexe ou du statut du travailleur, quel modèle d’égalité concrète. Une contribution plus importante des actifs en faveur d’aînés toujours plus nombreux, tel est l’exemplaire solidarité intergénérationnelle qui doit être défendue. Des réformes qui en plus d’être nécessaires et pragmatiques, se révèlent donc a fortiori modernes, égalitaires et solidaires. CQFD. Toutes les cases de la grille du « loto social » cochées ! Quine, double quine, carton !
Émotions ! s’empresse-t-on d’ajouter dans la foulée. Oui car après vérification se dévoile la supercherie. La bourgeoisie tente de tricher. Fini la malhonnêteté intellectuelle, place donc à la vérité. Au caractère prétendument social des réformes, poncif prouvant que le ridicule ne tue pas, on préférera substituer le qualificatif « discriminatoire ». Et même discriminatoire en plusieurs sens. À l‘égard des femmes d’abord, dont les carrières professionnelles sont entravées par leurs particularités biologiques et l’oppression patriarcale. Entre maternité et travail domestique, on trouve là deux activités essentielles au fonctionnement d’un pays, jamais reconnus par le diktat de la valeur économique capitaliste, et qui les contraignent le plus souvent à recourir au temps partiel. Dès lors l’injustice est criante : malgré une charge psychologique beaucoup plus lourde à supporter, la fragmentation forcée de leur parcours professionnel et l’inégalité salariale patente qui les frappent ont pour conséquence que leurs pensions sont nettement moins élevées16La rente annuelle totale moyenne des femmes en 2020 était de 18 924 francs inférieure à celle des hommes, soit un écart de rente de 34,6%. Un pourcentage qui n’a presque pas bougé depuis. C’est au niveau des rentes de la prévoyance professionnelle (PP) que les inégalités sont significatives : seulement 49,7 % des femmes de 65 ans ou plus touchent une rente ; parmi les personnes bénéficiant d’une rente PP, le niveau de rente des femmes est inférieur de 47,3% : https://www.parlament.ch/centers/eparl/curia/2019/20194132/Bericht%20BR%20F.pdf. En 2019, la France présentait un écart de rente entre femmes et hommes de 28,2 %, et même 40,5% hors pension de réversion et majoration pour enfants: https://www.lemonde.fr/argent/article/2021/06/03/retraite-les-femmes-touchent-toujours-40-de-moins-que-les-hommes_6082702_1657007.html . Relever l’âge de la retraite et la durée de cotisation signifie alors aggraver la précarisation des femmes en pénalisant davantage encore leur discontinuité dans l’emploi et en réalisant des économies iniques en leur défaveur17https://pst-pop.ch/2021/12/15/non-a-un-demantelement-des-retraites-sur-le-dos-des-femmes/ ; https://www.cgt.fr/actualites/france/retraite/mobilisation/retraites-une-reforme-anti-femmes ; https://www.marianne.net/politique/gouvernement/desequilibre-du-systeme-femmes-et-syndicats-les-trois-bobards-dolivier-dussopt-sur-la-reforme-des-retraites.. En traitant identiquement en droit des situations de vie pourtant factuellement différentes, tout ça sous couvert d’un alibi égalitariste en toc, la classe dirigeante fait nouvellement montre de sa profonde misogynie.
Discriminatoires ces réformes le sont aussi pour les travailleurs anciens. Ces seniors, coupables de rien, mais que des managers à trois sous ont finalement jugé inutiles et remercié prématurément. Sans salaire ni pension, ils retrouvent difficilement un emploi stable et sont contraints, jusqu’à leur retraite, de jongler entre chômage, travail intérimaire ou aide sociale, d’où leur très forte exposition à la pauvreté18En janvier 2023, les chômeurs entre 50 et 64 ans représentent 54,3 % des chômeurs de longue durée, alors qu’ils ne représentent que 24,6% du total des personnes au chômage. La rente-pont, soumises aux critères très restrictifs de la LPtra, ne semble pas porter ses fruits : https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/75214.pdf ; https://www.rts.ch/info/suisse/13768226-la-rente-pont-pour-les-chomeurs-ages-ne-tient-pas-ses-promesses.html?rts_source=rss_t ; https://www.evenement.ch/articles/lavenir-de-nos-retraites-en-jeu. En France, un tiers des seniors sans emploi ni retraite (dits NER) vivent en dessous du seuil de pauvreté. Le taux d’emploi des 55-64 ans se situe à 56%. À 60 ans seuls 48% des personnes résidant en France sont en emploi :
https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/etudes-et-resultats/un-tiers-des-seniors-sans-emploi-ni-retraite-vivent-en-dessous-du ; https://lvsl.fr/il-y-a-une-strategie-de-mise-en-deficit-du-systeme-de-retraites-entretien-avec-michael-zemmour/ ; https://www.liberation.fr/checknews/quelle-est-la-situation-professionnelle-des-francais-a-60-ans-62-ans-et-65-ans-20220502_4HUSHBJE2ZESXPEDCXBTNKY7PU/ ; https://www.la-croix.com/Debats/Le-decalage-lage-minimum-retraite-aura-cout-social-important-2023-01-10-1201249999 ; https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/les-seniors-sur-le-marche-du-travail-en-2021.
. Piégés dans ce « sas de précarité », ils sont marginalisés et deviennent une main d’œuvre idoine pour les plateformes et autres mafieux de l’infra-emploi. Leur nombre et la durée de leur calvaire sont donc logiquement voués à croître avec ces réformes.
Enfin, le vernis égalitaire s’effrite définitivement dès lors qu’on songe aux travailleurs les plus modestes, femmes et immigrés en tête. Ces corps et ces esprits marqués par la dureté du travail, dont la carrière débute souvent très tôt et qu’on récompense par des salaires inversement proportionnels à l’utilité de leurs tâches. Face cette violence sociale, qui s’atténue en principe avec l’entrée en retraite, que proposent ces réformes ? Rien, hormis de la tolérer plus longtemps. En effet, selon nos gouvernants, passés maîtres dans l’art du sadisme social, c’est le sens de l’histoire : l’espérance de vie moyenne n’ayant eu de cesse de progresser, il est aujourd’hui normal de consacrer quelques années supplémentaires au travail. Et puis de toute façon, qu’est-ce qu’une existence sans travail ? La fameuse « valeur travail » capitaliste comme fondement de la civilisation moderne et méritocratique, sans laquelle l’humain, succombant à son innée flemmardise, perdrait tout sens à sa vie ! Acrobatie philosophico-anthropologique courageuse de la part de la bourgeoisie, mais que son inculture patente ne permet hélas que rarement de maîtriser. Rhétorique insuffisante en tout cas pour convaincre les « premiers de corvée », ouvriers et employés des classes moyennes et populaires, indispensables à la société, sur qui ces discours moralisateurs n’ont plus le moindre effet. Parce qu’eux connaissent la vérité : bien au fait des difficultés de leur propre vie, ils savent que le monde décrit par ces dirigeants millionnaires n’est pas le leur. Les inégalités, ils les expérimentent quotidiennement, au travail, aux études, à l’hôpital, à la télévision, sur internet, en lisant les factures. Ils savent que ces réformes transpirent le mépris de classe, qu’aux yeux des élites leurs parcours est moins clinquant et leur sort moins important que ceux des leaders de la « Start-up nation ». Ils savent surtout que la retraite reportée, c’est d’évidence eux, travailleurs précoces et précaires, qui la subiront de plein fouet19La démonstration de l’économiste Thomas Piketty est d’ailleurs sans équivoque. En effet, si l’on prend l’hypothèse d’une personne née en 1961, qui aura donc 62 ans en 2023 et qui, après des études de master, commence à travailler à 23 ans ; celle-ci devra déjà travailler jusqu’à 65 ans pour obtenir une pension complète (42 annuités). Ainsi, la réforme n’aura aucun impact sur ces diplômés, qui contribueront 0 centime sur les 20 milliards prélevés. Ce sont donc bien aux ouvriers et employés, à la plus faible espérance de vie, que l’on demandera des efforts supplémentaires : https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/07/thomas-piketty-il-est-temps-que-le-systeme-des-retraites-se-concentre-sur-les-petites-et-moyennes-pensions_6156947_3232.html. Sur la surreprésentation des femmes et des immigrés chez les travailleurs les plus précaires, cf. https://france.attac.org/IMG/pdf/retraites_saison_2022.pdf et https://www.revolutionpermanente.fr/Avec-la-reforme-des-retraites-les-travailleurs-immigres-toujours-plus-exploites.. Que ce sera plus de souffrances pour y arriver, moins d’énergie et de temps pour en profiter. Et les chiffres, tellement embarrassants qu’ils sont tus, attestent parfaitement de ces disparités : espérance de vie en bonne santé nettement plus faible ; taux de survie à l’âge de référence scandaleusement inférieur20« En Suisse, l’écart d’espérance de vie par niveau d’éducation à 30 ans a diminué de façon frappante. Au début des années 1990, l’écart entre les diplômés de l’enseignement obligatoire et les diplômés de l’enseignement supérieur était d’environ 6 ans pour les hommes et de 4 ans pour les femmes. Deux décennies plus tard, ils se sont réduits à moins de 5 ans et 2,5 ans respectivement. Toutefois, l’écart d’espérance de vie en bonne santé à 30 ans entre les personnes avec un niveau obligatoire (scolarité primaire ou secondaire inférieure) et celles avec un niveau supérieur (université ou hautes écoles) est passé de 7,6 à 8,8 ans chez les hommes, et de 3,3 à 5,0 ans chez les femmes. Pour les hommes ayant un niveau d’éducation obligatoire, l’espérance de vie en bonne santé n’a pas augmenté depuis 2000 et donc toutes les années de vie gagnées sont de mauvaise qualité », extrait de Remund A. & Cullati, S. (2022). Les inégalités d’espérance de vie en bonne santé en Suisse depuis 1990. Social Change in Switzerland, N°31, disponible sur https://www.socialchangeswitzerland.ch/?p=3043. Chez nos voisins, l’espérance de vie à la naissance varie fortement en fonction du niveau de vie : les hommes les plus aisés vivent donc en moyenne 13 ans de plus que les plus modestes. Chez les femmes, cet écart est plus faible : l’espérance de vie à la naissance des femmes parmi les 5 % de personnes les plus aisées atteint 88,3 ans, contre 80,0 ans parmi les 5 % les plus modestes, soit 8 ans d’écart. A 62 ans, l’écart est de 7 ans entre les hommes les plus aisés et les plus modestes. De même, 25 % des hommes faisant partie des 5 % des Français les plus pauvres sont déjà morts à 62 ans (âge de référence actuel) contre seulement 5 % des plus riches. À 64 ans, les victimes comptent pour 30% parmi les 5% des Français les plus pauvres, contre seulement 6% parmi les 5% les plus riches. Et les femmes ? À 64 ans, l’écart du taux de survie entre les 5% de femmes les plus pauvres et les plus riches est de 11 points, soit 15% contre 4% ; pour plus de chiffres, cf. https://elucid.media/societe/reforme-retraites-debunkons-debunkage-patrick-cohen-c-a-vous/ et https://www.insee.fr/fr/statistiques/3319895?sommaire=3311425#documentation.. Des réalités auxquelles ces travailleurs sont condamnés, la perspective d’une retraite anticipée et d’une pension réduite en conséquence constituant une ultima ratio peu ragoûtante. Maladie, mort ou pauvreté en guise de retraite, tel est donc le sort réservé à ceux que nos gouvernants haïssent.
Et l’écologie dans tout ça ? À sa place habituelle dans la réflexion de nos dirigeants…C’est-à-dire nulle part. Faire un lien entre les retraites et le climat ? Quelle idée farfelue, intellectuellement inconcevable pour eux. Et pourtant, comme le dit le célèbre slogan, « fin du monde, fin du mois, même combat ». En quoi il faut déduire qu’en affaiblissant le système par répartition par la baisse masquée des pensions, c’est bien sûr l’incitation des travailleurs vers les offres de retraite complémentaire et d’épargne privée qui est recherchée ; une manne d’argent qui se retrouve alors aux mains des acteurs de la prévoyance et autres apôtres de la « finance verte », célèbres pour leurs états d’âme au moment d’investir dans les énergies fossiles et autres projets climaticides21Une estimation de Greenpeace Suisse montre qu’en 2021, les caisses de pension suisses détenaient au moins CHF 60 milliards de participations dans des entreprises particulièrement responsables de la destruction des forêts tropicales. Cela représente près de 5% des fonds de prévoyance suisses. En ce qui concerne les placements mobiliers, près de 60% des institutions de prévoyances suisses investissent dans des projets néfastes pour le climat. Le rating immobilier est encore en cours, mais au 13 février 2023, c’est près de 90% des institutions qui financent des projets climaticides : cf. https://alliance-climatique.ch/campagnes/caisses-de-pension/ ; https://www.greenpeace.ch/fr/explorer/climat/finance-durable/ ; https://www.greenpeace.ch/fr/story-fr/88854/votre-argent-detruit-il-la-foret-tropicale/. Le bilan n’est pas meilleur en France puisqu’aucune des 10 plus grandes sociétés d’assurance « n’a adopté d’engagements mettant fin au développement des projets de production et de transport du pétrole et du gaz ni permettant une sortie progressive du secteur ». Seules 2 d’entre elles ont adopté des mesures sérieuses afin de ne plus soutenir le charbon https://reporterre.net/Epargner-pour-sa-retraite-est-mauvais-pour-le-climat.. Plus globalement, en allongeant la durée du travail, les gouvernements confirment implicitement renoncer à méditer sur le sens et l’utilité du travail produit – en langage marxiste, sur la valeur d’usage des biens plutôt que sur leur valeur d’échange – et sur l’organisation même des rapports de production. En d’autres termes, ils refusent de questionner le mode de production capitaliste, dont le crédo de croissance infinie conduit à l’effondrement écologique et anthropologique actuel.
Derrière la novlangue bourgeoise, on comprend finalement le coup qui se trame et l’idéologie mortifère qui le sous-tend ; sous les oripeaux de la rationalité, du pragmatisme et de la responsabilité se dissimulent en vérité des projets politiques purement arbitraires, intégralement inféodés aux intérêts d’une minorité et en contradiction totale avec les objectifs qu’ils prétendent poursuivre. Des mesures réactionnaires en somme car économiquement infondées, antisociales, inégalitaires, antiféministes, racistes et écocidaires, et qui s’inscrivent parfaitement dans l’agenda néolibéral, en vogue depuis maintenant quatre décennies à l’échelle du continent. Des priorités politiques que l’on pourrait résumer en ce sens : contenter par tous les moyens possibles le capital, en démantelant au besoin tout ce qui lui fait entrave.
Effacer l’après-guerre
Rien d’étonnant alors dans ce que ce saccage prenne prioritairement pour cible les acquis sociaux d’après-guerre, lesquels constituent depuis leur conquête un héritage historique honni par la bourgeoisie, qui y voit les stigmates de défaites politiques majeures face au mouvement ouvrier.
En France en particulier, où celui-ci sort particulièrement renforcé de la Seconde guerre mondiale. Et pour cause, les résistants communistes jouent un rôle fondamental dans la Libération. Ces actes patriotiques tranchent avec le discrédit qui frappe une partie de la bourgeoisie française collaborationniste et valent au Parti communiste français (PCF) un large soutien populaire, et même le titre de premier parti de France au sortir des élections de novembre 1945. Une influence grandissante lui permettant de jouer les premiers rôles politiques, au grand dam de la classe dirigeante qui cherche alors à rétablir entièrement son hégémonie. Contrairement à la vulgate révisionniste d’un consensus général et pacifié trouvé entre les principales forces politiques au lendemain du conflit, la lutte des classes est donc particulièrement intense à cette époque, ce qu’atteste la démission du Général De Gaulle de son poste de président du Gouvernement Provisoire de la République Française en janvier 1946, ulcéré par la présence de 5 ministres communistes au sein de l’exécutif. L’essor du PCF s’appuie aussi sur un monde ouvrier particulièrement puissant et organisé, notamment au sein d’une CGT momentanément réunifiée. De ce rapport de force favorable aux travailleurs, il découle des conquêtes sociales révolutionnaires, parmi lesquelles la mise en place du régime général de la Sécurité sociale en 1946 par le ministre du travail Ambroise Croizat. En l’espace de quelques mois et dans un climat particulièrement hostile, ce dernier réussit un véritable tour de force : il opère ce que l’économiste et sociologue Bernard Friot qualifie de « subversion communiste »22Bernard Friot, « Prenons le pouvoir sur nos retraites », La Dispute, 2023 ; Bernard Friot, « Faire de la qualification un droit politique de la personne majeure » dans la revue Salariat n°1 « Droit à l’emploi, droit au salaire ? », Éditions du Croquant, juin 2022 ; Bernard Friot, Frédéric Lordon, « En travail : conversations sur le communisme », La Dispute, 2022, pp. 111-124 ; Bernard Friot, « Puissance du salariat », La Dispute, 2012 ; cf. un entretien au sujet de son nouveau livre « Prenons le pouvoir sur nos retraites », La Dispute, 2023, sur https://www.youtube.com/watch?v=XLbgaWSkwZw ; https://www.youtube.com/watch?v=OZ9wTeWodko ; https://www.youtube.com/watch?v=ACmcikrwi8Q. de la sécurité sociale patronale jusqu’alors en place, en unifiant les branches antérieures d’assurance famille, santé, vieillesse, accidents de travail et maladie professionnelle, désormais financées par un taux unique de cotisation sociale interprofessionnel et gérées majoritairement par les travailleurs eux-mêmes. Une socialisation d’un tiers de la masse salariale totale du pays, laissé en main de la classe laborieuse, richesse nationale qui sert entre autres directement à couvrir les dépenses de santé, les salaires des soignants et des retraités, ou encore à subventionner l’investissement hospitalier. Calquant le régime général de retraite des salariés du privé sur celui des fonctionnaires, Croizat pose également les jalons d’une pratique salariale anticapitaliste – le « salaire continué »23Ibidem.– dans lequel le retraité est considéré comme un travailleur titulaire d’une qualification, c’est-à-dire reconnu en tant que producteur de valeur économique. Désormais libéré du marché de l’emploi, celui-ci entame une « seconde carrière » et sa pension constitue ainsi la continuation de son meilleur salaire. Un salaire à vie en somme, dont la perception trouve son fondement dans la personne même du retraité et n’est pas conditionnée à sa participation continue à l’emploi ou à sa performance sur le marché des biens et services24Ibid. ; en d’autres termes, de salaire-résultat capitaliste, où la rémunération n’intervient qu’après la réalisation de la tâche en faveur de l’employeur, le salaire du retraité devient un préalable à l’activité productive, une avance salariale qui permet à celui-ci non seulement de sortir du chantage à la survie matérielle qu’instaure le capitalisme, mais en outre de travailler librement, avec déontologie, passion et confiance.. On perçoit ainsi la portée profondément révolutionnaire de cette logique dissociant salaire et emploi : le salaire étant préalablement et indéfectiblement lié à la personne du travailleur jusqu’à sa mort, celui-ci ne dépend plus des aléas d’une validation sociale par le marché pour subvenir à ses besoins matériels, tandis que son travail s’émancipe de l’injonction à mettre en valeur du capital. Des considérations loin d’être anecdotiques en pratique puisqu’elles prévalent déjà dans d’autres situations que la retraite : en additionnant les fonctionnaires, la moitié des retraités dont la pension vaut au moins 75% du salaire de référence, les autres salariés à statut et les salariés du privé bénéficiant d’un droit à carrière, c’est aujourd’hui un tiers des plus de 18 ans, environ 17 millions de personnes, qui bénéficie peu ou prou d’un salaire à la qualification personnelle25Ibid.. Sont ainsi esquissées les bases d’un nouveau mode de production au sein-même du capitalisme ! Or c’est précisément ce patrimoine, ce « déjà-là communiste »26Ibid. ; cf. aussi https://www.youtube.com/watch?v=a-kSP0g0UL4., que le patronat s’échine à démanteler dès 1947 et jusqu’à nos jours. Car l’enjeu est considérable pour lui, qui ne peut laisser cette pratique salariale alternative s’étendre à tous les travailleurs sans mettre en danger sa souveraineté sur la définition et l’organisation du travail, pilier sur lequel l’entier de l’édifice du capitalisme repose. D’emblée l’ambition de sa riposte sera claire : rétablir la soumission au marché de l’emploi comme condition sine qua non de production de valeur économique. Avec une conséquence majeure pour l’après-emploi : les retraités doivent être vus comme des inactifs et reçoivent, non pas du salaire continué, mais du « revenu différé »27Ibid. ; cf. aussi Nicolas Castel, Bernard Friot, “ Retraites : généraliser le droit au salaire », séminaire retranscrit, deuxième numéro des Cahiers du salariat, Éditions du Croquant, 2022., soit la contrepartie du cumul des cotisations de leur carrière qu’ils ont le droit de récupérer, à travers la solidarité intergénérationnelle, en tant que part non consommée de leur rémunération quand ils étaient productifs. De réforme en réforme, est ainsi promu, pour le régime général, un glissement implicite vers un système par répartition capitaliste – le « j’ai cotisé, j’ai droit » – dans lequel les cotisations et la performance en carrière sont excessivement valorisées dans le calcul de la pension28Ibid. ; les réformateurs mène l’assaut au de deux manières : d’une part, en permettant, par l’instauration du plafond de la Sécurité sociale, le développement du régime complémentaire obligatoire Agirc-Arrco. Créé en 1947, ce dernier est un système par points reposant sur la logique du revenu différé. En clair, le travailleur cotise sur un compte individuel durant sa carrière. À la fin de celle-ci, ses cotisations accumulées sont converties en points selon le prix d’achat de ses points. La somme des points est ensuite divisée par la valeur de service des points, ce qui permet sa conversion en euros. Ainsi, la retraite devient contrepartie des cotisations passées et est soumises à des variables d’ajustement que la bourgeoisie au pouvoir maitrise parfaitement, ce qui lui permet de piloter à sa guise et dans un relatif flou le niveau des pensions des travailleurs., au détriment de sa nature salariale initialement consacrée29Quant au travail, il est remis dans le carcan de l’emploi capitaliste. Est considéré comme un travailleur celui qui met en valeur du capital ; le retraité n’est qu’un ancien travailleur, qui ne mérite une pension, et donc la préservation de son « pouvoir d’achat », que parce qu’il a bien travaillé au service du capital. D’autre part, à partir de 1987, la nature même de la pension du régime général est attaquée car son mode de calcul est changé : autrefois indexés sur les salaires, les pensions déjà liquidées ainsi que les salaires portés au compte qui servent de base à leur calcul le sont désormais sur les prix. En outre, le salaire de référence passe des 10 aux 25 meilleures années, ce qui pécuniairement parlant donne davantage de poids aux moins bonnes années. Outre qu’elles cherchent à masquer l’essence révolutionnaire et salariale des pensions, ces réformes « paramétriques » ont également un impact sur leur valeur : elles sont ainsi à l’origine de la chute du taux de remplacement pour une carrière complète (le rapport entre la première pension nette et le dernier salaire net), passé de 84% en 1990 à 75% aujourd’hui. Le reports des âges légaux (de référence et de suppression de la décote) et l’allongement de la durée de carrière, de leur côté, sanctionnent toute discontinuité dans la carrière et compliquent l’accès à des rentes complètes..
Quant à la Suisse, c’est principalement durant l’entre-deux-guerres que l’impulsion ouvrière a lieu. Comme l’explique l’historien Dominique Dirlewanger, à cette époque, les inégalités économiques sont considérables au sein de la population. Si des bénéfices importants sont réalisés par des entreprises industrielles et paysannes, grâce notamment au commerce fructueux opéré pendant la Grande Guerre, celle-ci a également appauvri et affamé bon nombre de familles prolétariennes. En 1918, le Comité d’Olten appelle donc à la grève générale nationale et dresse une liste de revendications, parmi lesquelles la création d’une assurance vieillesse et survivants. Or malgré le caractère raisonnable des doléances, la Révolution russe de 1917 hante encore les esprits de la majorité conservatrice, qui craint un complot bolchevik menant à une révolution communiste. Dès lors, le Conseil fédéral se refuse à toute négociation et organise une répression militaire sanglante, obtenant la capitulation du mouvement après trois jours seulement. Cet épisode, auquel s’ajoutent les heurts qui éclatent l’année suivante et en 1932 lors de grèves et manifestations ouvrières à Bâle, Zurich et Genève, représente un traumatisme pour les mouvements sociaux helvétiques et ne débouche pour l’essentiel que sur des améliorations limitées30Signalons tout de même l’instauration de la proportionnelle au Conseil National, la semaine de 48h et la journée de travail de 8h.. Ils marquent à l’inverse le début d’un processus de modération des revendications dans l’ensemble du pays, en particulier des syndicats et du Parti socialiste suisse (PSS) qui évoluent vers la collaboration avec les forces bourgeoises, ce qui précipite la fondation du Parti communiste suisse (PCS) en 1921. Cet élan « réformiste », généré par l’intégration institutionnelle réussie de la gauche modérée, et doublé d’un anticommuniste sauvage – comme en témoigne l’interdiction du PCS en 1940 puis la chasse à ses militants dans les décennies qui suivent –, garantit en définitive la stabilité politique et économique propice aux intérêts bourgeois, entérinant de fait tout espoir de révolution et cimentant la légende du « compromis politique helvétique »31Dominique Dirlewanger, « Tell me : la Suisse racontée autrement », pp., Éditions Livreo-Alphil, 2019, pp.185-212. Cf. l’interview de Matthieu Leimgruber, dans laquelle il assimile l’AVS à une « frappe préventive des milieux bourgeois pour éviter tout dérive socialiste/communiste : https://sev-online.ch/fr/aktuell/kontakt.sev/2016/avsplus-representeun-tournant-historique-2016070702-1/. Sur l’anticommunisme helvétique, cf. Michel Caillat, Mauro Cerutti, Jean-François Fayet, Stéphanie Roulin (Hg.) « Histoire(s) de l’anticommunisme en Suisse – Geschichte(n) des Antikommunismus in der Schweiz », Chronos, 2009.. Il faut d’ailleurs attendre l’après-guerre, et le contexte inquiétant de la guerre froide, pour que la recrudescence des protestations sociales ne convainque la classe dirigeante de créer l’AVS, qui entre en vigueur le 1er janvier 1948 (soit 23 ans après l’inscription de son principe dans la constitution !). Cette concession demeure néanmoins maitrisée de la part de la bourgeoisie32L’historien Matthieu Leimgruber analyse très clairement les motivations économiques et politiques poussant la bourgeoisie à promouvoir la doctrine des « trois piliers ». Une lutte des classes de plusieurs décennies, menée tambour battant par le patronat et le lobby de la prévoyance privée, qui a permis d’endiguer le renforcement de l’AVS (1er pilier), notamment son extension via l’initiative communiste « pour une véritable retraite populaire », et de préserver un marché de retraite par capitalisation extrêmement profitable aux caisses de pension et aux assureurs-vie. L’importance considérable de la prévoyance professionnelle (2nd pilier) dans la valeur totale de la pension des travailleurs a également permis de fidéliser la main d’œuvre, participant ainsi au maintien d’une certaine « paix sociale ». Pour davantage de détails, cf. notamment, Matthieu Leimgruber « La doctrine des trois piliers. Entre endiguement de la sécurité sociale et financiarisation des retraites (1972-2010) » sur https://artias.ch/wp-content/uploads/2010/04/Dossier_Mai_10.pdf ; Matthieu Leimgruber, « La politique sociale comme marché. Les assureurs vie et la structuration de la prévoyance vieillesse en Suisse (1890-1972) », sur https://entscheidsuche.ch/docs/CH_VB/CH_VB_001_politique-sociale-co_2005-12-31.pdf ; Matthieu Leimgruber, « Solidarity without the State ? Business and the Shaping of the Swiss Welfare State, 1890–2000 », Cambridge University Press, 2008. Cf aussi. Dominique Dirlewanger, « 6 juillet 1947. La Suisse dans le monde d’après-guerre », pp.15-26, PPUR, 2022 ; Dominique Dirlewanger, « Tell me : la Suisse racontée autrement », pp., Éditions Livreo-Alphil, 2019, p.201, 234 et pp. 253-256 ; https://www.tdg.ch/les-hommes-de-suisse-disent-oui-a-lavs-493314036083., puisque l’AVS consiste en un système de répartition très modeste, qui ne remet aucunement en cause la conception capitaliste du travail, et qui est intégré à un système de prévoyance par piliers, faisant la part belle à la capitalisation et à l’épargne individuelle.
Au-delà des différences de radicalité évidentes quant à la nature et le processus d’adoption des régimes de retraite au sein des deux pays – conquête révolutionnaire en France contre geste stratégique bourgeois en Suisse – ce détour historique permet de réinscrire ces avancées dans le contexte de la lutte de classes. Car quoi qu’en dise la bourgeoisie, celle-ci s’est toujours empressée de combattre, d’affaiblir ou d’encadrer strictement ces progrès sociaux, qu’elle n’a jamais cessé de considérer comme une menace intolérable à son pouvoir. C’est d’ailleurs ce ressentiment qui a motivé l’avènement du néolibéralisme à partir des années 70 et 80, contre-révolution idéologique et politique qui, couplée à la mise au ban des idées communistes à la suite des désastres des expériences du « socialisme réel », a rapidement écrasé le dynamisme politique de la classe ouvrière.
Aujourd’hui, le même sous-texte perfide est à déceler derrière les réformes de retraite promues par les élites suisses et françaises : une tentative systématique d’éradiquer le poids symbolique des victoires prolétariennes d’après-guerre, et avec lui, toute trace d’alternative au capitalisme dans nos sociétés.
Et cependant, la partie est loin d’être jouée. Si, en Suisse, les éléments de langage des dominants ont suffi à entériner une réforme des retraites infâme, une nouvelle grève massive des femmes en juin prochain pourrait constituer le point de départ d’un renouveau pour les mouvements sociaux helvétiques, sursaut populaire aujourd’hui plus que nécessaire pour faire face aux coups de boutoir à venir du parlementarisme bourgeois. Dans l’intervalle, c’est bien vers la France que les regards se tournent : avec près de 70% d’opinions défavorables à son projet et plus de 5 millions de personnes défilant dans les rues à l’appel de l’intersyndicale, le gouvernement macroniste confirme un peu plus sa haine de la démocratie en refusant de reculer devant une mobilisation citoyenne inédite en 30 ans. Une contestation qui, si elle entend sortir victorieuse sur le long terme, devra toutefois impérativement sortir de sa position défensive qui consiste en la seule réfutation des arguments de la classe dirigeante. Radicaliser le mouvement depuis sa base militante, en multipliant les blocages massifs, les actions ciblées et les appels à la grève générale ; réaffirmer, par un devoir de mémoire, la légitimité d’un horizon politique anticapitaliste comme vecteur d’émancipation et de transformation sociale, tout en l’enrichissant de revendications positives audacieuses comme le salaire à vie : telle est la seule visée politique en mesure de défaire la violence du capitalisme et de ses valets. Augurons qu’en renouant avec leur vieille tradition révolutionnaire nos camarades français puissent nous montrer la voie !